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Le spectateur seul ayant une vision d'ensemble, entre focus (dans les toilettes entre autre, lieu stratégique) et plan plus large. Cependant on peine à s'attacher à chacun des personnages, malgré l'énergie et le talent des comédiens – Amira Casar et Céline Sallette en tête -, tant le débit imposé (ça va vite, très vite) autant que leur agitation quasi sans repos, et surtout l'adaptation abrasive, donne si peu à voir de leur complexité, de leurs profondeurs, de leur nostalgie. Simon Stone ne fait qu'esquisser à grand traits les personnages, devenus des trentenaires désabusés de l'ère Trump, entre alcool, dope et sexe. Et privés de cet exil provincial dans lequel Tchekhov enfermait les trois sœurs, on ne comprend au final pas grand-chose de leur mal-être, de leur frustration dont on finit par se désintéresser. Et le suicide qui clôt la pièce incompréhensible de fait, tient plus du fait divers que de la tragédie… Toute adaptation est trahison. Celle de Simon Stone ne faillit pas à la règle.

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Pour Les Trois sœurs, sa première création avec des comédiens français, (Jean-Baptiste Anoumon, Assaad Bouab, Éric Caravaca, Amira Casar, Servane Ducorps, Eloïse Mignon, Laurent Papot, Frédéric Pierrot, Céline Sallette, Assane Timbo, Thibault Vinçon), Simon Ston e, a choisi des acteurs dont la plupart ont tourné au cinéma. Ce n'est peut-être pas un hasard. Précédent article sur un spectacle à L'Odéon

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Rien! Alors comme le jeu et l'enfance sont loin derrière eux, ces « adulescents » font semblant: semblant de s'entendre, semblant d'aimer Noël et les fêtes d'anniversaire, semblant d'ignorer les soucis d'argent ou les peines de coeur. Pour réussir à tenir, certains font appel aux paradis artificiels, d'autres plongent inconsciemment dans l'adultère et d'autres encore se projettent dans un avenir idéalisé sans jamais oser franchir le pas… Parmi ces âmes errantes, se distinguent bien sûr les trois soeurs Prozorova: Macha la rêveuse qui trompe son mari, Irina la cadette qui se débat dans une quête existentielle, et puis il y a Olga, l'ainée protectrice, qui tente de maintenir un équilibre fictif au coeur de cette sainte trinité. Autour d'elles gravitent l'époux de Macha, son amant, quelques amis, un voisin et l'oncle Roman (Frédéric Pierrot) qui nous fait songer à une sorte d'ermite sur le déclin. En les voyant pour la première fois sur scène, l'on se dit que Simon Stone a réuni dans son adaptation de Tchékhov une belle bande de dépressifs sortis de nulle part: qui sont ces alcooliques et ces drogués qui frôlent sans cesse l'autodestruction?

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Tout se passe dans une imposante maison de verre qui tourne en permanence et donne à voir plusieurs scènes simultanément, un montage scénique qui n'est pas sans rappeler lui aussi le montage croisé des séries tv. Points forts Le décor et la scénographie: la maison est étonnante; sur deux étages vitrés elle donne à voir deux, parfois trois, scènes simultanément. C'est elle le cœur de la pièce. Maison maléfique qui finira par se vider après avoir tourné sur elle-même, comme la roue d'une loterie damnée, durant toute la pièce. Les interprètes: les trois sœurs (Céline Salette est Macha, Amira Casar est Olga et Eloïse Migon est Irana) mènent le bal avec talent et une rare énergie. Et il en faut pour donner de la présence à ces phrases du quotidien et à ces vies de vacuité. Grâce à elle, la lumière de la souffrance parvient par moment à franchir les murs de verre de la maison. Elles sont parfaitement portées par tout le reste de la troupe. Quelques réserves L'écriture de la pièce. Il ne suffit pas d'emprunter à Tchekhov son « pitch » et de broder autour dans une culture de séries télé pour faire passer tout ce que l'œuvre originale portait.

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La scénographie est innovante. Elle nous plonge dans l'intimité de cette famille dont les trois sœurs sont le cœur des désirs et frustrations de tous les hommes. On ne pourrait assister à plus grande séance de voyeurisme: la mise-en-scène s'articule autour d'une maison aux murs de verre tournant sur un plateau pour nous laisser entrevoir la moindre interaction des personnages. Grâce aux micros (qui ne facilitent pas la tâche des comédiens) on assiste aux moindres conversations qui s'enchaînent d'une pièce à l'autre, d'un personnage à l'autre, remplaçant le dispositif habituel d'entrées et sorties des personnages d'une pièce de théâtre classique. Devant cette effervescence, on est tenté d'entrer et prendre part à leurs moments de joie et de désespoir, à les aider à allumer leur barbecue ou faire leurs cartons de déménagement. On voudrait prévenir le mari trompé, ou cacher la clef à la belle-sœur intrusive. Cela m'a beaucoup fait penser à une émission de télé-réalité type Big Brother, Secret Story… ou même à une partie de Sims.

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Écrit en 2016 - français Trois sœurs, trois destins entrelacés. Au fil du temps, les existences se précisent, les choix se figent, les rêves de la jeunesse se dissipent dans la médiocrité ambiante. Pourtant elles restent sœurs, jamais elles ne l'oublient... Après Medea, Simon Stone revient à l'Odéon, où il est artiste associé, pour y recréer sa propre interprétation du chef-d'œuvre par lequel Tchekhov ouvre le XXe siècle. L'air de famille, chez Stone, a tout d'un air du temps. L'œuvre du Russe est ici comme une sœur aînée, celle de l'Australien est sa cadette. Il est beaucoup question d'amour chez la première, de sexe chez la seconde, et de frustration chez les deux.

On parle un langage d'aujourd'hui, mais les tourments universels sont bien ceux décrits par Tchekhov. Et Stone parvient à nous montrer combien le dramaturge russe transcende les époques. 3 Distribution aux petits oignons Les 11 comédiens, finement dirigés, offrent une belle cohésion de troupe qui permet des enchainements périlleux, des superpositions de dialogues. Amira Casar en Olga, Céline Sallette en Macha, Héloïse Mignon en Irina, Servane Ducorps en Natacha (la belle sœur insupportable), Eric Caravaca en André paresseux et drogué, Laurent Papot en Nicolas délaissé… Tous sonnent juste dans leur fragilité, leur mélancolie et leurs désillusions. Après avoir proposé la version des "Trois sœurs" en langue des signes du Russe Timofei Kouliabine, le théâtre de l'Odéon joue donc la version de l'Australien Simon Stone. On l'aura compris, loin d'être une relecture fidèle, c'est une réécriture passionnée et très personnelle que nous livre simon Stone. Prenant, dit-il, au mot Tchekhov qui voulait que ses pièces se déroulent au présent.

Anais Delva Tournée