Homélie Chanoine Raphaël Duchoud – Hospice du Grand-Saint-Bernard « Restez en tenue de service et gardez vos lampes allumées. » Cette exhortation du Christ à l'adresse de ses disciples peut paraître totalement ajustée dans le cadre de l'année de la miséricorde divine que nous sommes en train de vivre. En effet, vivre la miséricorde au quotidien demande une attitude de vigilance, d'attention et d'écoute. Car, si celle-ci consiste en un sentiment par lequel la misère d'autrui touche notre cœur et qu'un cœur miséricordieux est celui qui devient sensible à toute situation de misère que traverse notre prochain, qui d'entre nous n'a-t-il jamais eu l'occasion d'avoir manqué de discerner tout de suite et de comprendre une telle situation de souffrance vécue par un proche se présentant inopinément dans son quotidien et après, le regretter de ne pas s'en être aperçu tout de suite? Par la suite, on entend souvent cette réflexion: « Je ne m'en étais pas aperçu tout de suite. » On peut donc comprendre à quel point l'exhortation de Jésus à rester en tenue de service revêt toute son importance pour vivre au quotidien ce que l'on peut appeler «l'attitude de miséricorde».
«Vivre sa foi nécessite un décentrement de soi-même» Si l'on regarde le message de Jésus dans une traduction plus proche du texte grec, l'expression «restez en tenue de service» est rendue par «gardez les reins ceints» évoquant l'attitude les fils d'Israël lors de la Pâques au moment de quitter l'Egypte: être à l'œuvre dans la perspective de se mettre en voyage. Quoi de plus parlant que de vivre une démarche concrète de pèlerinage afin de se rendre compte que vivre sa foi au quotidien nécessite un décentrement de soi-même et une mise en route vers l'imprévu et l'inconnu? Le chanoine Gratien Volluz, guide de montagne, dont nous commémorons cette année le 50 ème anniversaire de sa mort, nous rappelle dans sa prière du pèlerin de la montagne, la nécessité de se mettre en route pour vivre une expérience de vie. Seigneur Jésus, toi qui as fait un si long déplacement d'auprès du Père pour venir planter ta tente parmi nous; toi qui es né au hasard d'un voyage, et as couru toutes les routes, celle de l'exil, celle des pèlerinages, celle de la prédication: tire-moi de mon égoïsme et de mon confort, fais de moi un pèlerin.
C'est à cela que nous serons jugés. Mais quand le Seigneur demande aux siens de rester "en tenue de service", cela concerne aussi la mission qu'il se prépare à leur confier. C'est toute l'Église qui est appelée au service de l'annonce de l'Évangile. Bien sûr, nous pensons tous à ces missionnaires qui ont quitté leur famille et leur pays pour porter l'Évangile sur d'autres continents. Et actuellement, nos diocèses accueillent des prêtres venus d'ailleurs pour nous évangéliser. Mais ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que la mission nous concerne tous. En tant que chrétiens baptisés et confirmés, nous sommes tous envoyés pour témoigner de l'espérance qui nous anime. " Gardez vos lampes allumées", nous dit encore Jésus. Cette lampe c'est celle de notre conscience. Le pape Jean-Paul II nous rappelait que c'est "celle de la foi, celle de l'espérance, celle de la prière". Cette lampe c'est celle de l'amour que nous recevons de Dieu. C'est chaque jour que nous sommes appelés à nous ouvrir au Christ qui ne cesse de frapper à la porte de notre cœur.
(Mt 28, 20). La lettre aux Hébreux, (He 11, 1-2. 8-19) qui a été écrite au moment où les premiers chrétiens étaient persécutés, nous présente la foi d'Abraham. Il obéit à l'appel de Dieu qui lui dit de quitter son pays; il séjourne en campement comme un étranger dans la Terre Promise; il va même jusqu'à accepter de sacrifier le fils de la promesse, Isaac, pensant que Dieu est assez puissant et fidèle pour ressusciter les morts! C'est qu'il attend la cité dont Dieu serait l'architecte. Il en va de même pour sa femme Sara qui pense que Dieu est fidèle à ses promesses et qu'Il lui donnera un fils malgré son âge. Comme Abraham, nous sommes des voyageurs et même un peu des étrangers, "étant dans le monde et non pas du monde" (cf. Jn 17, 11-18). Notre patrie, c'est le ciel. C'est pourquoi nous sommes invités à nous tenir prêts, dans la foi, avec nos lampes allumées pour accueillir Celui qui nous fera passer de ce monde à la patrie céleste, le Christ Lui-même que nous allons déjà accueillir dans la foi en cette Eucharistie.
Dans notre passage d'évangile, afin d'inviter ses disciples à attendre leur maître dans une perspective de fête et de joie, l'image des noces apparaît comme un signe invitant à vivre le message de miséricorde dans une perspective de béatitude: « Heureux les serviteurs vigilants… ». Oui, la disposition de notre cœur est invitée à être orientée vers la venue de l'auteur de toute joie et de l'inattendu. Combien de fois, alors que nous envisageons nos projets d'une certaine manière nous sommes obligés de «modifier le tir» comme on dit et on s'aperçoit ainsi que la réalité qui se présente à nos yeux nous apporte bien plus que ce qu'on imaginait auparavant. L'inattendu de Dieu nous révèle bien autre chose que ce que nos idées et notre manière de voir laissent souvent entrevoir. A l'exemple de saint Bernard, j'ai à écouter ta parole, j'ai à me laisser ébranler par ton amour; sans cesse tenté de vivre tranquille, tu me demandes de risquer ma vie, comme Abraham, dans un acte de foi; sans cesse tenté de m'installer, tu me demandes de marcher en espérance vers Toi le plus haut sommet dans la gloire du Père.
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