Loin de figer le mouvement chorégraphique, ils insufflent une dynamique au texte, soulignant la tension des danseurs, leur abandon et l'ineffable alchimie des corps s'emparant de l'espace scénique. Chaque image fait sens. Ainsi de la beauté plastique jouant sur l'épure et le contraste dans le travail de Ushia Amagatsu, de la couleur ambrée qui enveloppe le mouvement habité de Carolyn Carlson, ou de la série de poses qui mettent en valeur la science de l'espace et l'expressivité de Saburo Teshigawara. De même, le cadrage soigné de Marie-Agnès Gillot dansant la "Giselle" de Mats Ek, la précision fébrile du danseur de flamenco Israël Galván sortant d'un cercueil (! ) ou encore le jeu sur le reflet et la transparence dans Umwelt de Maguy Marin soulignent la richesse et l'inventivité des performances chorégraphiques d'aujourd'hui. Au-delà de la pertinence des choix iconographiques et de la qualité propre des images, Danse contemporaine, mode d'emploi rend compte de la vitalité de la danse, de son rapport à la tradition, à la mémoire et aux influences culturelles sans négliger l'élan révolutionnaire qui lui est propre et qui en fait l'art du paradoxe, entre contrainte et liberté(s).
Avec force arguments et exemples il revient sur le contexte socioculturel d'émergence de la danse contemporaine, sur ses enjeux esthétiques, ses différents modes d'appropriation du quotidien, son rapport à la nudité, à l'écriture – à travers l'abstraction – ou au mouvement – à travers la "non danse", ou "danse plasticienne" selon ses propres termes. Reposant sur une connaissance pointue et une sensibilité artistique évidente, la synthèse proposée par Philippe Noisette fait de cet ouvrage un guide précieux, et non prétentieux. Et, ce faisant, le journaliste se fait mentor pour néophytes en quête de lumières chorégraphiques. Quand un spectateur se fait passeur Danse contemporaine, mode d'emploi remplit son contrat et ne ment pas sur sa promesse: c'est une belle initiation à la danse contemporaine. Philippe Noisette n'aplanit ni les contradictions ni les aspérités propres à un art en perpétuelle recherche, animé par la nécessité d'explorer les limites et la manière d'appréhender l'espace scénique et mental du spectateur.
La danse moderne est donc une danse sans artifice. On travaille pieds nus, sans costumes inutiles... On cherche à comprendre notre rapport au corps, la signification du mouvement, l'expérimentation, les interactions entre notre corps et notre environnement... On veut exprimer par notre mouvement une émotion personnelle, un ressenti, qui peut être lié: à la musique, à la chorégraphie, au moment présent, à une pensée... Plusieurs courants se sont alors développés. En effet, le propre de la danse moderne est le refus de toute règle pré-établie et de toute tradition. Chaque danseur, chaque chorégraphe, chaque professeur, a donc sa propre danse, sa propre grammaire, son propre langage, qui renouvelle sans cesse le paysage de la danse.
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