La Chanson du rayon de lune Faite pour une nouvelle Sais-tu qui je suis? Le Rayon de Lune. Sais-tu d'où je viens? Regarde là-haut. Ma mère est brillante, et la nuit est brune. Je rampe sous l'arbre et glisse sur l'eau; Je m'étends sur l'herbe et cours sur la dune; Je grimpe au mur noir, au tronc du bouleau, Comme un maraudeur qui cherche fortune. Je n'ai jamais froid; je n'ai jamais chaud. Je suis si petit que je passe Où nul autre ne passerait. Aux vitres je colle ma face Et j'ai surpris plus d'un secret. Je me couche de place en place Et les bêtes de la forêt, Les amoureux au pied distrait, Pour mieux s'aimer suivent ma trace. Clair de Lune, Jean Lorrain. Puis, quand je me perds dans l'espace, Je laisse au cœur un long regret. Rossignol et fauvette Pour moi chantent au faîte Des ormes ou des pins. J'aime à mettre ma tête Au terrier des lapins, Lors, quittant sa retraite Avec des bonds soudains, Chacun part et se jette À travers les chemins. Au fond des creux ravins Je réveille les daims Et la biche inquiète. Elle évente, muette, Le chasseur qui la guette La mort entre les mains, Ou les appels lointains Du grand cerf qui s'apprête Aux amours clandestins.
Votre âme est un paysage choisi Que vont charmant masques et bergamasques Jouant du luth et dansant et quasi Tristes sous leurs déguisements fantasques. Tout en chantant sur le mode mineur L'amour vainqueur et la vie opportune, Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur Et leur chanson se mêle au clair de lune, Au calme clair de lune triste et beau, Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres Et sangloter d'extase les jets d'eau, Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres. Paul Verlaine, Fêtes galantes
La geôle couleur de lune Ne le fera jamais dévier. Ivre de lune, suite © juin 2019
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